Monsieur le Ministre de la Justice,
Le Réseau féministe québécois souhaite vous exprimer sa profonde inquiétude à la suite du jugement rendu récemment par la Cour du Québec concernant la pluriparentalité.
Nous vous demandons respectueusement d’interjeter appel de ce jugement. Nous croyons qu’une telle décision judiciaire dépasse largement le cadre d’un simple ajustement du droit familial : elle ouvre en réalité la porte à la reconnaissance implicite de pratiques polygames au Québec, criminalisées au Canada en vertu de l’article 293 du Code criminel précisément en raison de leurs effets reconnus sur les femmes et les enfants.
Ce jugement, qui permet à un enfant d’avoir plus de deux parents juridiques, soulève des enjeux fondamentaux tant sur le plan du droit des enfants que sur celui du modèle social que nous souhaitons transmettre.
Nous vous demandons respectueusement d’interjeter appel de ce jugement. Nous croyons qu’une telle décision judiciaire dépasse largement le cadre d’un simple ajustement du droit familial : elle ouvre en réalité la porte à la reconnaissance implicite de pratiques polygames au Québec, criminalisées au Canada en vertu de l’article 293 du Code criminel précisément en raison de leurs effets reconnus sur les femmes et les enfants.
Vous avez vous-même exprimé, lors des auditions entourant le projet de loi 12 portant sur la réforme du droit de la famille, une forte opposition à la reconnaissance de la pluriparentalité, notamment lors de l’intervention de l’Association des juristes progressistes du Québec. Votre position claire à ce moment précis s’appuyait justement sur la nécessité de protéger la stabilité juridique de l’enfant, d’éviter des situations complexes de filiation multiple, et de préserver l’intégrité du cadre légal québécois. Nous vous encourageons à faire preuve de la même rigueur aujourd’hui, alors que ce jugement fragilise les fondements que vous aviez vous-même défendus.
Le droit à l’enfant semble désormais primer sur les droits de l’enfant lui-même. En détachant la filiation du lien biologique ou même de la stabilité familiale, ce jugement fragilise la reconnaissance de la maternité et de la paternité au profit d’un droit subjectif à être parent, fondé uniquement sur l’intention ou la fonction sociale.
Or, rappelons que l’intérêt supérieur de l’enfant est censé guider toutes décisions en matière de droit familial. Permettre qu’un enfant ait trois, voire quatre parents légaux, sans prévoir les conséquences concrètes de telles configurations — en cas de rupture, de désaccord ou de garde partagée — revient à faire primer les désirs des adultes sur la stabilité affective et éducative de l’enfant.
Nous attirons également votre attention sur les conséquences sociales et juridiques d’un tel précédent. Si la parentalité devient un statut ouvert à plus de deux adultes, sur quelle base refusera-t-on demain la reconnaissance d’unions polygames au nom de l’égalité ou de la non-discrimination?
Ce glissement est d’autant plus préoccupant que des recherches, dont celles de Robert et Bernatchez (2010), ont clairement documenté les effets néfastes de la polygamie sur les femmes et les enfants, tant sur les plans économique, éducatif que psychologique.
Par ailleurs, les implications pratiques d’une pluriparentalité légale n’ont pas été sérieusement évaluées. Qu’en sera-t-il du partage de l’autorité parentale? De la garde en cas de séparation? De l’attribution des congés parentaux? De la pension alimentaire?
Il serait prématuré et irresponsable de modifier de façon aussi fondamentale le droit de la famille sans consultation large et sans analyse rigoureuse des impacts sur les enfants et la société.
Monsieur le Ministre, nous croyons que ce jugement mérite d’être revu par une instance supérieure. Nous vous demandons de défendre le principe fondamental selon lequel l’enfant n’est pas un projet d’adultes, mais une personne dont les droits, la stabilité et l’intérêt supérieur doivent primer en tout temps.
Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations respectueuses.
Alexandra Houle
Présidente
Réseau féministe québécois
