"Nudes": Explosion inédite des infractions sexuelles chez les ados

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Depuis 2006, les infractions sexuelles commises par des mineurs ont bondi de 22 200% au Canada, une hausse largement liée au partage d’images intimes. Pourquoi le partage de ces photos est-il devenu si banal chez nos jeunes?

En juillet dernier, Statistique Canada révélait que le volume et la gravité des crimes déclarés par la police ont diminué de 4% en 2024. Néanmoins, depuis 2006, il y a une augmentation importante d’infractions sexuelles contre des enfants commises par des jeunes âgés de 12 à 17 ans, soit + 22 200%!

Selon le Programme de déclaration uniforme de la criminalité de Statistique Canada, le nombre de cas est passé de 4 à 892 entre 2006 et 2024.

Afin de mieux comprendre cette tendance préoccupante, nous avons épluché plus d’une dizaine de jugements rendus par les tribunaux québécois. 

Nous en présentons deux ici, résumés avec soin, pour exposer la réalité derrière les statistiques et mettre en lumière la banalisation du partage d’images intimes chez les adolescents. 

Mais comment de jeunes ados procèdent-ils pour obtenir des photos de nudité de la part des jeunes filles? Et quelles sont les réactions de ces dernières lorsqu’elles apprennent que leurs images intimes circulent sur Internet?

 

William devant le juge Éric Hamel de la Cour du Québec

Il est âgé de 13 ans. Il fréquente une école secondaire québécoise. William a plaidé coupable à 13 chefs d’accusation pour des événements survenus sur une période de 18 mois.

Il est accusé de 10 leurres d’enfant au moyen d’un ordinateur, de deux publications non consensuelle d’images intimes et d’une infraction de distribution de pornographie juvénile.

La stratégie pour obtenir des photos de jeunes filles nues est largement utilisée par les adolescents à l’école que fréquente William. Il veut prendre part à ce fléau car il est en manque de stimulation à l’heure des réseaux sociaux.

William est entré en contact avec 14 filles via les réseaux sociaux, notamment Snapchat, où la diffusion d’images, de vidéos et de conversations disparaissent à la suite du visionnement.

Il courtise ces jeunes filles et leur laisse croire qu’il éprouve un sentiment amoureux. En fait, William envoie une photo de son pénis ou une photo de lui en train de se masturber tout en demandant aux jeunes filles de venir l’aider en leur fournissant des photos d’elles nues.

Par la suite, William obtient plusieurs photos intimes de filles fréquentant son école qui lui sont envoyées dans son cellulaire pour son usage personnel. Il ne montre ces photos à personne, sauf celle de Léa, qu’il reçoit par surprise alors qu’il se trouve avec ses amis Nathan et Samuel.

 

Les réactions de ses victimes

Léa est intimidée par les amis de William à l’école puisqu’ils la fixent du regard. Elle a peur et se sent jugée. Florence fait difficilement confiance aux hommes et rencontre des difficultés importantes dans ses relations de couple.

Florence fait des cauchemars et elle vit de l’anxiété lorsqu’elle croise William à l’école. Emma est émotive et elle ne sait plus à quel garçon faire confiance. Alice considère que William l’a prise pour un objet sexuel.

Bref, les victimes ont fait confiance à William dans un début de relation alors qu’elles ont réalisé qu’elle faisait partie d’un groupe. William n’avait pas ou peu de sentiments pour elles. Il les a manipulées pour obtenir des photos d’elles nues.

Néanmoins, d’autres victimes estiment qu’elles n’ont subi aucun tort puisque l’échange d’images intimes était mutuel.

 

Raphaël devant le juge Dominic Pagé de la Cour du Québec

Raphaël est également âgé de 13 ans. Il fréquente une école secondaire montréalaise. Raphaël manifeste un trouble du déficit d’attention avec hyperactivité. Il a entrepris des démarches en neuropsychologie afin de mieux comprendre et adapter ses comportements.

Raphaël éprouve de la difficulté à se mettre à la place de l’autre. Il est considéré comme un adolescent quelque peu immature, mais il ne présente pas un profil délinquant.

Raphaël a plaidé coupable à des accusations de possession de pornographie juvénile, d’avoir rendu accessible une image intime d’Olivia et Zoé de même que de leurre à l’égard de cette dernière.

La stratégie de Raphaël pour obtenir des photos de nudité de ses victimes consistait à leur dire des mots doux. De plus, son ami Léo devait convaincre Olivia de s’exécuter sous la menace. C’est ainsi qu’Olivia et Zoé ont envoyé chacune leur photo. Raphaël les a partagées avec d’autres jeunes de son école.

Il a justifié ses gestes en expliquant que d’autres garçons lui avaient dit avoir reçu des images intimes de jeunes filles, ce qui l’a incité à en demander lui aussi.

 

Les réactions de ses victimes

Olivia et Zoé sont âgées de 13 ans lorsqu’elles ont fourni des photos d’elles nues à Raphaël qui les a partagées avec ses amis. Olivia précise qu’elle a reçu des menaces de Léo, un ami de Raphaël, pour qu’elle s’exécute.

Les séquelles sont profondes, car elle estimait que Léo était son ami, voire son protecteur, mais qu’il s’est servi d’elle pour plaire au cercle des amis de Raphaël. Olivia a été blessée dans son estime d’elle-même.

Elle a eu des problèmes de santé. Olivia a connu des périodes d’automutilations et de dépression allant jusqu’à une phase suicidaire nécessitant son hospitalisation. Elle craint constamment de croiser les jeunes impliqués dans les dénonciations.

De son côté, Zoé s’est isolée dans sa chambre en se culpabilisant, éprouvant des difficultés à dormir et se voyant envahie par des idées noires. Elle craint les adolescents de son école. De plus, Zoé éprouve de la difficulté à prendre plaisir à ce qu’elle fait.

 

Expliquer pour prévenir et enrayer

Que se passe-t-il au Québec pour que les jeunes filles et garçons banalisent autant le partage de leurs images intimes? Pourquoi les filles font-elles confiance aussi facilement à des garçons prédateurs sur le web? 

Quelle est la place des parents et de l'école dans l'éducation numérique des ados?  La consommation massive de pornographie et sa banalisation peuvent-elles expliquer ce phénomène?

Il faut collectivement réfléchir à ce qui se passe avec nos adolescents, car les approches actuelles ne semblent plus porter leurs fruits. Les discours sur le consentement n’ont pas suffi à freiner la banalisation du partage d’images intimes.

C’est signe que quelque chose, dans notre façon d’éduquer, d’accompagner et de comprendre les jeunes, ne fonctionne plus. 

Source: «Nudes»: explosion inédite des infractions sexuelles chez les ados - Libre Média

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